Histoire du CSAI

COORDONNATRICE - CONCERTATION ET PARTENARIAT

Le CSAI, 75 ans d’engagement dans l’accueil et l’accompagnement des personnes réfugiées et immigrantes vers une citoyenneté pleine et entière

Dans cet article, vous découvrirez l’histoire du Centre Social d’aide aux immigrants des années 70 aux années 2000. Avant de commencer la lecture de cet article, si ce n’est pas déjà fait, nous vous invitons à prendre connaissance du premier chapitre qui couvre l’histoire du CSAI de sa naissance en 1947 jusqu’à la fin des années 60 . Ce chapitre met en évidence le rôle de pionnier du CSAI dans le domaine de l’action sociale et de l’accueil des personnes réfugiées et immigrantes.

La diversification des pays d’origine des nouveaux arrivants entraine celle de l’équipe de travail du CSAI

Des années 70 aux années 2000, le profil de l’immigration au Québec se diversifie considérablement. Deux facteurs sont en jeu, les conflits qui sévissent un peu partout dans le monde et l’ouverture du Canada et du Québec à offrir une terre d’asile à ces personnes déplacées. Les vagues d’immigration se succèdent ainsi au fil du temps et le CSAI s’enrichit de nouveaux employés maitrisant la langue et le cadre de référence des nouveaux arrivants. Alors que les personnes accueillies jusqu’en 1956 étaient surtout des réfugiés, les immigrants volontaires arriveront de plus en plus nombreux.

Centre CSAI

En 1970, 287 Thibétains arrivent de leur pays envahi par la Chine communiste qui persécute les boudistes. Certains seront accueillis par le CSAI et hébergés temporairement au Camp familial multiethnique de l’Avenir.

En 1972, le président ougandais annonce l’expulsion des Ougandais d’origine indienne. Le Canada réagit rapidement et 5600 Ougandais d’origine indienne fuieront le régime d’Idi Amin Dada pour le Canada. Sur ce nombre, 500 arrivent à Montréal. C’est la première arrivée massive d’immigrants non européens depuis qu’une série de changements ont été apportés à la politique sur l’immigration en 1962 dans le but d’éliminer les barrières d’ordre racial à l’immigration.

En 1973, le gouvernement chilien du président Allende est renversé suite à un coup d’État. Avec, l’arrivée du général Pinochet au pouvoir en 1974, des groupes au Canada, notamment des églises, pressent le gouvernement d’offrir la protection aux personnes persécutées. En 1974, 7000 Chiliens arrivent au Canada, la majorité s’établira à Montréal et le CSAI met l’épaule à la roue pour les accueillir.

L’année 1975 marque le début de l’arrivée des boat-people du Sud-Est asiatique. Les réfugiés arrivent du Vietnam, du Cambodge et du Laos. Au mois de juin 1979, le gouvernement canadien annonce que 50 000 réfugiés sud-est-asiatiques seront réinstallés avant la fin de 1980. Des milliers de Canadiens se montrent disposés à les accueillir, et le Programme de parrainage privé des réfugiés démarre de façon saisissante. Des pressions populaires forcent le gouvernement à ajuster à la hausse son engagement initial à l’égard de la réinstallation des réfugiés. En 1980, 60000 Vietnamiens sont acceptés au Canada. Pour les années 1978-81, les réfugiés représentent le quart de tous les immigrants arrivant au Canada. Durant cette période, le CSAI accueillera parallèlement aussi des personnes issues du Liban, de Pologne et du Portugal ou sévit la dictature.

1980 marque le début de la collaboration entre le CSAI et le bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal qui deviendra le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCCHM) pour faciliter l’adaptation des nombreux Haïtiens fuyant la dictature de François Duvalier. Grâce à l’amnistie générale négociée par le Ministre Jacques Couture, 15000 Haitiens deviendront québécois.

Environ 400 Polonais arrivent à Montréal en 1981. Leurs défis d’adaptation sont bien différents de ceux des Polonais accueillis suite à la deuxième guerre mondiale. En effet, le fait d’avoir vécu toute leur vie sous un régime communiste rend leur compréhension et leur adaptation à la vie dans un pays démocratique difficile. Néanmoins, cinq ans plus tard, il sont tous très bien intégrés.

En 1982, la guerre civile force des milliers de Salvadoriens à se réfugier dans des pays limitrophes. Certains traverseront le Mexique et les frontières américaines  et arriveront aux portes du CSAI. Les intervenants hispanophones les accueillent, les accompagnent dans leur intégration et leur françisation.

De 1984 à 1986, les personnes appartenant à la minorité tamoule fuient le Sri-Lanka et les violences ciblant leur communauté. Le CSAI accueille 309 familles srilankaises et 770 personnes seules.

Rencontre avec des réfugiés du Sri Lanka

Le CSAI accueillera ensuite des ressortissants d’Amérique latine (1986), d’Asie centrale et du Moyen-Orient (1987), du Nicaragua et d’Iran (1988), d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est (1989)., d’Afghanistan, d’Iran, de Colombie, du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est et d’Afrique (1990), de Yougoslavie (1992), de la République Démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda (1994) et de l’Europe de l’Est (1997).

En 1999, devant la fuite de milliers de Kosovars, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) demande aux pays de les accueillir.  Le Canada répond avec enthousiasme et admet plus de 5 000 Kosovars. À cette époque, le CSAI devra trouver 90 logements en 3 semaines, tout un défi!

Nombre de premiers logements trouvés par le CSAI de 1973 à 1983

Les actions et services déployés par le CSAI évoluent avec les besoins des nouveaux arrivants

De 1970 à 1984, la direction du CSAI est assurée par sœur Thérèse Benguerel. Sœur Monique Proulx lui succèdera de 1985 à 1992. La porte du CSAI, situé au 4285 boulevard de Maisonneuve Ouest, reste ouverte 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Le travail ne manque pas et il est varié : accueillir une famille de réfugiés à l’aéroport, informer et conseiller les nouveaux arrivants avant de les référer vers les ressources de la société d’accueil, démêler les situations complexes avec les services publics pour s’assurer que les réfugiés et immigrants auront accès aux services auquels ils ont droit, loger temporairement les femmes et les enfants si nécessaire, trouver un appartement, aider à l’installation, offrir des cours de langue, etc.

Durant ces années, l’équipe comprend en moyenne 4 sœurs et entre 10 et 15 employés salariés financés par des programmes de 6 à 12 mois, ce qui rend la gestion du personnel complexe et nécessite des efforts de formation constants. Le CSAI accueille aussi traditionnellement entre 1 à 4 stagaires-bénévoles qui oeuvrent 3 à 4 jours semaines dans l’organisme. À cette époque, les soeurs étant bénévoles, tout le monde travaille sur un pied d’égalité qu’il soit rémunéré ou non.

En 1975, le CSAI met fin aux traditionnels soupers du jeudi pour développer les rencontres d’information par communauté culturelle dans leur langue, plus d’activités festives et des réunions de quartier.

En 1987, le centre met fin à l’hébergement temporaire des femmes et des jeunes filles. De 1970 à 1987, 1276 immigrantes en difficulté ont été hébergée. Parrallèment, les services se diversifient  et les interventions se complexifient : orientation professionnelle, difficultés conjugales, relations parents-enfants, problèmes en lien avec les statuts d’immigation, besoins d’interprétariat, dépannage alimentaire et matériel, etc.

Le 30 avril 1984, le CSAI reçoit le 1er prix des communautés culturelles en remerciement pour l’engagement constant de l’organisme pour l’accueil, l’intégration et la défense des droits des personnes réfugiées et immigrantes à Montréal. Le pris est remis par René Lévesque, Premier Ministre du Québec et Gérald Godin, Ministre des Communautés culturelles et de l’immigration du Québec.

CSAI

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorette Langlais sera la dernière soeur à assurer la direction du CSAI. Elle assumera cette responsabilité de 1992 à 2005.

En 1995, les deux-tiers du personnel est né en dehors du Canada et les services sont assurés en 16 langues.  Le centre offre des services variés qui existent encore à l’heure actuelle :

En avril 1995, le CSAI est honoré par les Caisses Desjardins. Denise Lainé recevra des mains du Président des Caisses Desjardins Claude Béland le prix de reconnaissance Mérite des gens en mouvement.

Si le travail du CSAI est reconnu par des prix prestigieux, il est important de rappeler qu’à cette époque, l’organisme fonctionne avec un budget plus que modeste provenant des gouvernements fédéral et provincial. Si le CSAI peut contribuer autant à l’intégration des personnes réfugiées et immigrantes à cette époque, c’est en grande partie grâce au fait que le CSAI, hébergé par la Congrégation des soeurs Notre-Dame du Bon-Conseil ne paie pas de loyer et aussi grâce au nombreuses heures de travail bénévole des soeurs. Pour prendre de l’expérience auprès du personnel régulier, quelques stagiaires travaillent dans le cadre de contrat à durée déterminée géré par le Centre local d’emploi de Verdun, à des taux horaires très bas. Et lorsque le  CSAI n’a pas les moyens de les garder, ils doivent quitter ce qui  représente une perte d’expertise et nuit à la cohésion de l’équipe de travail. Notons que le début du financement par Centraide du grand Montréal en 1993 à hauteur de 30000$ fera une belle différence.

Le CSAI, un leader dans l’organisation communautaire et la défense des droits des personnes réfugiées et immigrantes

La résolution des problèmes individuels a de tout temps occupé une part importante dans les activités du CSAI. Cependant, dès la naissance de l’organisme en 1947, le projet du CSAI dépasse largement les interventions individuelles. Pour sa fondatrice, Marie Gérin-Lajoie, l’action sociale qui vise surtout l’adaptation de l’individu à son milieu ne suffit pas. Il faut connaitre les causes des maux qui proviennent des vices de l’organisation sociale pour y remédier. Le CSAI maintiendra ce cap au fil de son histoire malgré les tempêtes et œuvrera à obtenir des changements dans les règles qui régissent la société lorsque ces règles excluent ou discriminent les personnes réfugiées et immigrantes. Dans cette optique de transformation sociale, le CSAI oeuvrera aussi sans relache à sensibiliser la société québécoise dans sa responsabilité d’ouverture et d’accueil  des nouveaux arrivants tout en contribuant à plusieurs changements structurels majeurs pour le Québec.

Le CSAI a facilité la mise sur pied de plusieurs regroupements etnoculturels pour fédérer et soutenir des immigrants qui ne pouvaient pas compter sur l’aide de compatriotes arrivés plus tôt au pays. Parmi les organismes dont la mise sur pied a été soutenue par le CSAI et qui sont encore très actifs en 2022, citons à titre d’exemples :

Vers la fin des années 1975, le CSAI, en étroite collaboration avec le Service social Ville-Marie fonde l’Association pour la Défense des Droits des Personnel Domestique (ADDPD), qui sera reconnue comme un organisme à but non lucratif indépendant en 1977. L’organisme deviendra en 1998 l’Association des Aides Familiales du Québec (AAFQ) pour reprendre son nom d’origine d’ADDPD en 2016. Parmi les réalisations de l’organisme, notons :

À l’été 1979, le CSAI  participe à une réunion portant sur le ré-établissement des boat people du Sud-Est asiatique visant à arrimer les efforts des multiples organisations impliquées dans cette opération de grande envergure. Cette rencontre rassemble autour d’une même table : des personnes arrivées comme réfugiées dans les années 70, qui ont vécu la persécution et l’exil (provenant du Chili, d’Amérique centrale, d’Europe de l’Est et d’Haïti), des groupes dont la plupart ont été créés par des organismes religieux. Le CSAI est l’un de ces groupes. Très vite, les participants décident de continuer à travailler ensemble pour défendre le droit des réfugiés, d’où qu’ils soient, à une terre d’asile et collaborer avec des alliés à l’échelle canadienne. Une alliance est nouée avec Comité permanent des organismes canadiens au service des réfugiés, qui deviendra le Conseil canadien pour les Réfugiés (que le CSAI hébergera dans ses locaux en 1990).

En janvier 1980, le nom de Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés (TCMR) est adopté. Il faudra attendre juin 1999 pour que la table prenne son nom actuel de Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

Deux batailles majeures seront menées par les organismes fédérés au sein de la TCMR.

À partir de 1981, s’instaure un climat  particulièrement hostile aux demandeurs d’asile : taux de refus très élevés au niveau du Comité Consultatif sur le statut de réfugiés (C.C.S.R.), imposition d’un visa d’entrée aux visiteurs venant des pays ‘’producteurs’’ de réfugiés, fin de toute assistance financière aux demandeurs d’asile. À force de plaidoyers et de représentations auprès des gouvernement fédéral et provincial, la TCMR obtient en 1984 du ministre de l’immigration québécois Gérald Godin l’accès pour les demandeurs d’asile à l’aide sociale, à la carte d’assurance malade, à la francisation et aux mesures d’employabilité. Certains de ces droits seront perdus par la suite.

À partir des années 70, des négociations sont menées entre les gouvernement fédéral et provincial portant sur le partage des responsabilités en matière d’immigration ainsi que sur les modalités de transfert des budgets du Canada vers le Québec. En 1991, avec la signature de l’Entente McDougall-Gagnon-Tremblay le Québec devient responsable de  la sélection, de l’accueil et de l’intégration des personnes immigrantes sur son territoire. En 1992, le Ministère des Relation avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) lance de nouveaux programmes avec des protocoles de services précis. Les organismes tel que le CSAI se voient alors confier une partie du mandat d’intégration des immigrants et reçoivent un financement stable pour ce faire. À l’époque, le MRCI tentera de faire disparaitre la TCRM qui résistera et créera la TCRI en 1979 telle que nous la connaissons aujourd’hui. La TCMR est perçue comme une menace par le gouvernement car elle donne une voix solidaire aux organismes qui dénoncent la vision assimilationiste de l’immigration ainsi que la non reconnaissance des besoins d’accompagnement des nouveaux arrivants par les organismes communautaires. Nous verrons que la résistance des organismes communautaire en immigration et leur regroupement leur obtiendra au fil du temps le respect de ceux qui espéraient la disparition de la TCRI.

Bibliographie

FINES, Daniel, Le Centre social d’aide aux immigrants, Québec Monde, Gouv. du Québec, Ministère de l’immigration, No 36, février 1979

LANGLAIS, Lorette, Le Centre social d’aide aux immigrants, Impressions, Cégep du Vieux Montréal, décembre 1995, No 22.

Le Centre social d’aide aux immigrants, 35 ans d’immigration au Québec, Univers, No 4, 1982

Le Centre social d’aide aux immigrants, Bulletin réfugiés d’Indochine, vol. 1 No 4, août 1979

VAN DUN, Frans, Le Centre social d’aide aux immigrants (413-417), Tout quitter pour la liberté. Cinq parcours d’immigrants.

Sylvie Guyon, Stephan Reichhold, Rivka Augenfeld. De la table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés (TCRM) à la table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI),  35 ans de lutte pour le droit de toutes et de tous à une citoyenneté pleine et entière. Accessible sur le site Internet de la TCRI.

CSAI, Une décennie d’intervention de logement auprès des immigrants : 1973-1983. 55 pages.

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